2 octobre 2020. Une catastrophe sans précédent frappe les Alpes-Maritimes. Le Var sort de son lit dans la soirée, après des pluies diluviennes amenées par la tempête Alex. La furie de l’eau atteint les sommets des ponts.
Plus grave encore, la Vésubie et la Tinée, ses affluents, explosent littéralement dans les Alpes, créant désolation et horreur. Des saignées à même la roche, comme des coups de hache, emportant routes et villages sur leur passage. Le bilan est effroyable.
C’est sur ces images d’apocalypse que s’ouvre le film de Caroline et Jérôme Espla, « Le Var, ce torrent qui se prend pour un fleuve ». Le couple de réalisateurs travaillait sur ce projet depuis deux ans, mais l’actualité les a conduits à repenser le documentaire.

« On a toujours été très attiré par le Var », confie Caroline Espla. « Pendant dix ans, j’ai travaillé près de Carros, à côté du fleuve, et je l’ai vu à toutes les époques de l’année, à tous les débits, sous le soleil, sous la pluie, sous la neige… On le regardait un peu comme une personne, avec ses humeurs changeantes… D’où l’envie de raconter le Var au fil des saisons et de ses différents visages, car ce qui le caractérise, c’est vraiment sa variabilité ».
Si le projet initial évoque la grande crue de 1994, le couple ne se doute pas qu’une nouvelle catastrophe se prépare. Les intempéries du 2 octobre surviennent alors que le montage va débuter. Impossible de ne pas s’inscrire dans l’actualité…
Caroline et Jérôme Espla reprennent alors les tournages et l’écriture du film, désormais recentré sur les caprices de ce fleuve atypique. Un fleuve dont les sautes d’humeur ont des alliés sournois, comme la pluie…

Une crue hors norme
26 ans plus tôt, un épisode méditerranéen d’une ampleur exceptionnelle provoquait déjà une crue dramatique. Le 5 novembre 1994, le Var gonfle en quelques heures et sort de son lit, emportant tout sur son passage.
« C’était la première grosse inondation d’après-guerre, ici dans le département des Alpes-Maritimes ».
Journaliste à France 3 Côte d’Azur, Jean-Bernard Vitiello a couvert les intempéries d’octobre dernier, tout comme la crue de 1994. « Elle a été très impressionnante en tant que catastrophe naturelle, mais aussi sur le plan économique. Parce que c’est à ce moment-là qu’on a découvert que le Var pouvait déborder et impacter des centaines d’entreprises et d’emplois ».
Voir un extrait du documentaire : la crue de 1994
Depuis toujours, le fleuve Var a mauvaise réputation
Serge Goracci, président de l’académie du Val d’Entraunes
Impétueux, indomptable, imprévisible… Les mêmes qualificatifs reviennent pour désigner le Var, tant il soumet l’homme à ses caprices depuis des siècles. « Ce grand fou propre à rien et que l’on ne peut mettre à raison » disait Vauban. Au 18ème siècle, le naturaliste Bénédict de Saussure rallait même « ce vilain torrent qui se prend pour un fleuve ».
Serge Goracci habite non loin de la source du Var et se passionne pour son histoire. « Les crues du Var, il y en a toujours eu », raconte-t-il dans le documentaire. « Dans les années 1860, par exemple, des crues terribles ont laminé tout le bassin inférieur, elles ont même détruit le projet de viaduc entre Saint-Laurent-du-Var et Nice. Mais on peut remonter plus loin : en 1760, 61, 62, des crues mémorables ont ruiné toutes les petites industries locales. Tout le long du fleuve, il y avait des moulins à farine, des moulins à foulon, des scieries, des pressoirs… tout cela a été emporté ».
Alors pourquoi le Var est-il soumis si régulièrement aux crues ? L’histoire est inscrite dans les roches. Pour le comprendre, le film nous emmène à la naissance de ses premières gouttes, 120 km en amont, au cœur du massif du Mercantour.
Puis il suit son long cheminement dans les massifs, jusqu’à la basse vallée, où il aborde les problématiques de l’urbanisation et ses conséquences sur le lit du fleuve.
Voir un extrait : le Var a un régime d’écoulement spécifique
Nourri de nombreux témoignages d’experts, illustré de superbes images aériennes et souterraines, le documentaire révèle ainsi le double visage du Var, qui peut être si paisible et devenir si abominable sans prévenir. A la fois fascinant et cruel.
« En montagne, quand on descend au milieu de son lit, dans ce dédale de pierre et de rocs, on sent une force qui se dégage » raconte Caroline Espla. « Le Var, c’est un faux calme ! »
Dédié aux victimes des crues du 5 novembre 1994 et du 2 octobre 2020, ce film inédit est diffusé sur France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur le 4 janvier 2021.

« Le Var, ce torrent qui se prend pour un fleuve »
Un documentaire de 52’ de Caroline et Jérôme Espla.
Voix du commentaire : José Heuzé. Musique originale : Stéphane Panunzi.
Une coproduction France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur / AMDA Production / Poisson-Lune Productions.